Gestion responsable des RH : Émergence d'un champ
Née de l’interaction entre la responsabilité sociale des entreprises (RSE) et de la GRH, la gestion responsable des ressources humaines se présente comme un champ prometteur. Il innove en répondant aux besoins des nouvelles générations d’employés et à leur recherche de sens et d’accomplissement dans le travail.
Du côté de la RSE, il y a un consensus que les employés représentent une partie prenante centrale et une dimension principale de la performance sociale d’une entreprise. Celle-ci se démarque en étant la seule dimension qualifiée de responsabilité sociale interne (contrairement aux autres dimensions de la RSE qui sont orientées à l’externe comme les pratiques envers la communauté ou envers l’environnement) . Du côté de la GRH, la pénurie de main-d’œuvre, la guerre des talents et les revendications des groupes de défense et des associations d’employés invitent à un traitement plus responsable et durable des ressources humaines. C’est ainsi que l’interface entre la RSE et la GRH a donné naissance à un ensemble de pratiques de GRH qualifiées de responsables.
En quoi consistent les pratiques de gestion responsable des ressources humaines ?
Bien qu’il n’existe pas de typologie universelle de gestion responsable des ressources humaines , certaines classifications sont reconnues dans la pratique. Cette dimension a tout d’abord été adressée par différentes organisations internationales comme les normes de l’ONU, de l’OCDE, de l’ISO 26000 ou encore du global reporting initiative (GRI).
Une récente contribution a permis de cerner huit politiques de gestion responsable des ressources humaines :
- l’attraction et la rétention des employés
- la formation et le développement continus
- la gestion des relations d’emploi
- la communication, la transparence et dialogue social
- la diversité et l’égalité des chances
- la rémunération équitable et les avantages sociaux
- la prévention et la santé et sécurité au travail
- la conciliation travail-famille
Ces politiques se concrétisent à travers des pratiques telles que le partage de bénéfices, l’implantation des principes de diversité et d’égalité des chances à tous les niveaux de l’organisation, l’obtention de certifications de santé et de sécurité au travail et la facilitation de l’atteinte de l’équilibre travail-famille.
Ces différentes pratiques soulignent les synergies potentielles et la plus-value amplifiée lorsque la GRH et la RSE s’associent . À la fois pour les employés et l’organisation, les avantages qui en découlent sont multiples. D’une part, la gestion responsable des ressources humaines contribue à la satisfaction des employés qui démontreront d’un plus grand sentiment d’appartenance et d’engagement envers leur employeur. Pour l’organisation, ceci aura pour impact meilleure rétention des employés, un meilleur climat de travail, moins de roulement et d’absentéisme, mais aussi une incitation à l’innovation et à la collaboration. D’autre part, le gain de visibilité issu de l’adoption des pratiques de gestion responsable des ressources humaines améliore la marque employeur de l’entreprise qui accède à un bassin de recrutement plus élargi, mais aussi plus aligné avec ses valeurs organisationnelles. Le positionnement des entreprises qui adoptent des pratiques de gestion responsable des ressources humaines est également valorisé par les détenteurs de capitaux, particulièrement les fonds d’investissement éthiques.
Du vieux vin dans de nouvelles bouteilles ?
À l’image des multiples avancées dans le domaine de la GRH, il est légitime de se demander si la gestion responsable des ressources humaines n’est finalement que du vieux vin dans de nouvelles bouteilles…
Pour y répondre, il est essentiel de se référer aux spécificités de ce champ et de se rattacher aux objectifs qu’il poursuit.
Premièrement, ce champ émergent se distingue grâce à la place qu’occupent les employés dans le concept de RSE. Ces derniers représentent un levier qui permet de concrétiser la responsabilité sociale de leur entreprise. En effet, les employés sont non seulement une partie prenante visée par la RSE, mais aussi un acteur important de la mise en place réussie des stratégies de responsabilité sociale. Une étude récente montre que les consommateurs, au lieu de s’informer sur la responsabilité sociale d’une entreprise sur les sites internet ou dans les rapports de RSE, considèrent les employés comme la source d’information la plus fiable en mesure de refléter le plus fidèlement la responsabilité sociale de leur employeur. Il se trouve donc naturel de faire bénéficier les employés en premier de la responsabilité sociale de leur employeur car, à leur tour, ils contribueront à véhiculer les autres dimensions de la stratégie de RSE.
Malgré ce constat, on observe que les employés ne sont pas au centre des initiatives corporatives ni des normes internationales en matière de RSE. En analysant les pratiques des organisations en matière de RSE, Jeffrey Pfeffer en est même venu à se questionner : « Why are polar bears (…), for instance, more important than people, not only in terms of research attention, but also as a focus of company initiatives ? » . Au niveau des normes internationale, la publication de l’Organisation Internationale de Normalisation (2010) qui définit les lignes directrices de la norme de responsabilité sociétale ISO 26000 confirme ce constat. Le terme « environnement » est cité 253 fois contre un total de 128 fois pour les termes « employés » et « travailleurs » . Ainsi, les preuves que la dimension « employés » est le parent pauvre de la RSE sont nombreuses et le champ de la gestion responsable des ressources humaines vient y remédier .
Deuxièmement, la gestion responsable des ressources humaines s’impose comme une évolution du champ de la gestion stratégique des RH, particulièrement en remettant en question l’idée que la GRH doit être uniquement et en priorité alignée à la stratégie organisationnelle. Désormais, l’alignement se fait également aux besoins des employés. Ce champ de la GRH implique également un engagement éthique dans la relation entre l’entreprise et les employés ainsi qu’une orientation marquée et explicite de long terme vers des objectifs de durabilité humaine et sociale. La gestion responsable des ressources humaines se donne alors pour objectif de mettre de l’avant la conscience sociale des modèles dominants de GRH dont plusieurs pratiques se sont révélées préjudiciables aux employés.
En assimilant le fait que la performance globale passe par en premier par les employés, le champ de la gestion responsable des ressources humaines innove en mettant l’humain et le bien-être des employés au centre de l’équation. C’est un champ émergent, en évolution et qui invite à différents plans à la collaboration. Dans une ère où on cherche à affirmer le positionnement stratégique de la fonction RH, ce champ permettrait d’établir des liens durables et efficaces entre la fonction RH et les organes responsables des stratégies de responsabilité sociale dans l’organisation. Une collaboration qui permettrait sans doute d’aboutir à une meilleure performance sociale des entreprises.