Gestion des risques psychosociaux : l’exemple à suivre de l’école d’entrepreneurship de Beauce et ALIAS ligne de signalement
Parmi les plus important changements, l’élargissement des mécanismes de prévention obligatoire à tous les établissements de 20 travailleurs.euses et plus. Et également, une nouveauté intéressante qui soulève de nombreuses questions; les risques psychosociaux (RPS).
Cela signifie que concrètement, les employeurs devront trouver des façons de prendre en charge les facteurs de risques tels le harcèlement sexuel ou psychologique et la violence en milieu de travail. Mais comment s’y prendre?
Récemment, l’équipe de pratiques RH s’est déplacée dans les locaux de la célèbre École d’entrepreneurship de Beauce (EEB) pour aller rencontrer Madame Vicky Poirier, Présidente Directrice Générale de ALIAS ligne de signalement, et Madame Mélanie Drouin, leader environnement et énergie humaine chez EEB. Une approche inspirante de l’École d’entrepreneurship de Beauce sur la question de la prise en charge des risques psychosociaux (RPS) à travers le témoignage de ces deux femmes d’exceptions.
Madame Poirier. Qu'est-ce qui vous a conduit à fonder ALIAS?
V.P. Je suis juricomptable de formation. Avant de fonder ALIAS en 2016, j’œuvrais dans le domaine des enquêtes de fraude et de crime de nature financière. Ce qui me frappait le plus lorsque nous présentions nos rapports, c’était l’impact dévastateur que provoquait l’information chez les dirigeant.e.s, et la démobilisation du côté des employé.e.s souvent associés à l’atteinte relationnelle que subissait l’entreprise. Saisis de nos conclusions, les dirigeant.e.s mentionnaient la même chose : tout le monde semblait au courant que des irrégularités se tramaient, mais rien n’est venu à nos oreilles.
Comment cela est-ce possible? Pourquoi étions-nous les seul.e.s à ne pas être au courant? Avoir su, nous aurions posé des gestes afin de corriger la situation. La réponse a commencé à me paraître évidente. Les gens craignent souvent de parler ouvertement de ce qu’ils voient ou perçoivent. Ils craignent de dénoncer. Ils craignent les représailles.
Peur de perdre leur emploi. Peur de répercussions. À tort ou à raison, mais c’était la réalité. Et c’est de cette réalité qu’est née l’idée d’ALIAS et de mettre sur pied un mécanisme de signalement confidentiel qui permettrait à quiconque de signaler une situation qui lui apparaîtrait problématique, ou contraire à ses valeurs ou celles de son organisation. Cela répondait au besoin d’agir en amont et de prendre en charge le plus rapidement possible même les situations qui peuvent paraître anodines, afin d’éviter que cela ne dégénère. Bref, agir en prévention plutôt qu’en réparation!
Parlez-nous de la mission et la vision d’ALIAS.
Prévenir les actes répréhensibles tout en favorisant la communication bienveillante au sein de l’entreprise. C’est ce qui a contribué à forger la mission d’ALIAS. Et conséquemment notre vision : Un jour, le plus rapidement possible, tout le monde aura accès à un mécanisme confidentiel de signalement.
Je ne peux m’empêcher de faire un parallèle avec les programmes d’aide aux employé.e.s (PAE) en entreprise voilà une vingtaine d’années. Les PAE n’étaient pas encore perçus à leurs justes valeurs dans les organisations et étaient victimes de nombreux préjugés. On entendait souvent parler à tort de l’absence de confidentialité et que ces programmes servaient uniquement à fournir à l’employeur des données sur leurs employé.e.s, ou encore d’offrir inutilement des outils pour se plaindre.
Heureusement, on a vu les avancées importantes au niveau des mentalités au cours des dernières années, et surtout constaté les bienfaits pour les équipes et les organisations de tels services. Il en sera de même pour les mécanismes de signalement confidentiel impliquant un tiers indépendant qui viennent répondre à un réel besoin.
Surtout dans un contexte de changement législatif où nos lois exigent désormais une prise en charge par les milieux de travail des facteurs de risques comme le harcèlement ou la violence. Les milieux de travail ont besoin de soutien pour y parvenir, et c’est ce qu’ALIAS peut leur offrir, de renchérir avec conviction.
Madame Poirier. Quels sont les types de signalements que vous recevez et qui les traitent?
V.P. À la création d’ALIAS, je croyais au départ que les dénonciations seraient davantage en lien avec de la fraude financière. Mais pas du tout. C’est majoritairement en lien avec des comportements humains que les signalements entraient sur notre plateforme. Les signalements visaient des situations d’agressions, du harcèlement, des abus, de l’intimidation et même du racisme. C’est encore le cas aujourd’hui.
Pour gérer de telles situations, ça prend une équipe de professionnel.le.s. Des expert.e.s. Un processus bien défini avec nos clients. Et c’est ce qu’ALIAS propose.
Quels sont les avantages d’avoir recours à une firme externe pour gérer des signalements relatifs à des situations de harcèlement ou de violence?
V.P. Cela procure surtout une indépendance et une impartialité concernant le traitement et l’analyse d’une situation en évacuant tout le contexte émotionnel. À l’interne, souvent les gens se connaissent et cela peut volontairement ou involontairement venir teinter l’analyse du signalement et les suites à donner.
De plus, la réalité des plus petits milieux de travail fait en sorte qu’ils n’ont pas de ressources et d’expertise à l’interne pour gérer de telles situations.
ALIAS offre ainsi cette alternative, d’ajouter Madame Poirier.
Madame Drouin. Parlez-nous un peu de l’école d’entrepreneurship de Beauce (EBB)?
M.D. Notre mission est de créer un lieu et un espace où les entrepreneur.e.s peuvent se recueillir pour avoir des échanges authentiques afin d’avoir ultimement un impact sur la prospérité du Québec tout entier. Garder la flamme entrepreneuriale allumée! Notre école fut fondée en 2010 par Marc Dutil, originaire de la Beauce, et président et chef de la direction du Groupe Canam.
Nous connaissons une belle croissance depuis 2010, dont nous sommes très fier.ère.s. Nous sommes environ 50 employé.e.s à l’interne. Plusieurs intervenant.e.s externes qui agissent comme coachs et un service de traiteur permanent font aussi partie de notre écosystème. C’est un environnement de travail très dynamique ici, il y a beaucoup d’action, de conclure madame Drouin tout sourire.
Pourquoi EEB utilise les services de la ligne de signalement d’ALIAS?
M.D. Au départ, nous avions un mécanisme pour aller chercher les rétroactions des client.e.s de l’école : les entrepreneur.e.s. Mais nous n’avions pas de mécanisme de rétroaction pour l’équipe interne. Nous n’étions pas structuré.e.s et procédions plus informellement. Nous avons toujours eu une philosophie de transparence ici à l’EEB.
On s’est donc posé la question sur comment se doter d’un système structuré qui favoriserait les signalements, la communication et la prise en charge rapide de toute situation qui ne serait pas conforme à notre code d’éthique et aux valeurs de l’École. Maintenant, on formule clairement nos attentes en matière de comportements en milieu de travail. On a même monté une formation et un programme qui s’appliquent à tout le monde. Le programme osez dire.
La ligne de signalement d’ALIAS nous est alors apparue comme une solution parfaite pour nous. Facile d’utilisation, confidentielle, claire et accessible à travers une plateforme sécurisée. Cela répondait à notre besoin de transparence, de structure et de rejoindre tout le monde. En fait, comme vous l’avez vu, nous avons des affiches partout sur les murs avec des codes-barres à scanner.
L’équipe d’ALIAS nous a aidé à rassembler ce que l’on faisait déjà. Au lieu d’avoir 10 initiatives différentes. On a maintenant un seul système facile d’utilisation et confidentiel. Disons aussi que l’on se fait challenger beaucoup par les dirigeant.e.s qui participent à nos programmes. On se devait en quelque sorte d’être exemplaire, de préciser Madame Drouin.
Quel est le processus? Comment cela fonctionne-t-il lorsqu’une situation se produit?
V.P. Du côté d’ALIAS, notre rôle est de simplifier la vie de notre client. On travaille avec ce qui est déjà en place. On définit en amont tout le processus. Qui sera le contact en cas de signalement dans son organisation. À titre d’exemple, nous prévoyons déjà que si le signalement concerne le.la président.e du conseil d’administration, ça ne sera pas la même personne qui sera avisée que si le signalement concerne un.e employé.e ou un fournisseur.
Notre philosophie est basée sur ce que l’on appelle notre Trilogie. Ça prend d’abord un outil technologique performant. Ensuite, il faut comprendre la culture du signalement à l’interne de l’entreprise pour s’y adapter, et pour finir, effectuer une gestion rigoureuse du signalement. Quand le signalement arrive chez ALIAS, il y a un protocole à appliquer avec des expert.e.s par sujet. Le signalement peut se faire en ligne ou par téléphone. Par exemple, si une personne croit être victime ou témoin d’une situation de harcèlement ou de violence, elle scanne le code-barre et elle est automatiquement et confidentiellement dirigée vers le site sécurisé.
Elle doit répondre ensuite à certaines questions pour situer la nature du signalement. Cela nous aide aussi, dans certains cas, à détecter si la personne est en mode urgence et ainsi référer aux premiers répondants (police, professionnel.le.s de la santé), ce que nous ne sommes pas. On demande aussi à la personne si elle est témoin ou victime. C’est comme un filtre. Environ une dizaine de questions, ce qui se fait rapidement. Si la personne souhaite être anonyme, elle le mentionne. Elle reçoit un code d’utilisateur et un mot de passe qui deviendra son identité. Sinon, elle peut fournir son nom à ALIAS.
On analyse ensuite ce qui a été décrit dans le signalement. Ensuite, on intervient en accompagnement ou en autonomie complète selon le protocole d’intervention qui a été établi au départ en fonction des besoins et compétences du client. Nous avisons ensuite notre personne-ressource à l’interne. Le client va nous aviser de ce qu’il souhaite faire avec la situation. Le client peut nous demander de prendre en charge le suivi, ou il peut le faire lui-même.
Puis, dans le système ALIAS, un retour est fait à la personne qui a produit le signalement. On explique à l’auteur.e du signalement ce qui sera fait. Cela peut être aussi d’expliquer à la personne que la situation ne contrevient pas aux politiques internes. Mais au moins, elle sait qu’une intervention a été posée et que la situation a été prise au sérieux. Tous les signalements sont rapportés au client. Nous produisons des rapports dépersonnalisés à une fréquence qui est déterminée avec lui avant, ce qui permet d’avoir une vue d’ensemble de la situation.
M.D. En ce qui nous concerne à l’EEB, nous sommes toujours deux points de contact à être impliqués avec ALIAS. Dont moi. S’il y a un signalement, je suis avisée presque en temps réel par ALIAS. On me dit d’aller consulter le dossier. Je vais me connecter à la plateforme. Si la personne voulait conserver son anonymat, je n’ai que les faits. Sinon, j’ai les coordonnées de la personne. Je peux lui écrire directement. Si c’est anonyme, c’est possible aussi de la contacter via la plateforme.
Ce que j’apprécie le plus avec ALIAS, c’est qu’ils agissent comme un guide pour nous. On parle à un expert sur la situation et ils nous conseillent sur la bonne pratique à adopter. L’implication d’une tierce partie facilite aussi la prise de hauteur parfois nécessaire pour aborder des problématiques touchant à nos propres collègues. On décide ensemble quoi faire et qui s’assure du suivi et cela nous est chaque fois fort utile, de renchérir Madame Drouin.
V.P. Il m’apparaît important d’ajouter que pour favoriser la prise en charge des comportements humains pour les plus petits milieux de travail, nous avons aussi des modèles de politiques et de procédures concernant le harcèlement ou la violence. Cela peut être utile pour les milieux de travail avec peu de ressources afin de les aider à se conformer aux nouvelles exigences législatives en lien avec la modernisation du régime, de compléter Madame Poirier.
Que suggérez-vous aux organisations qui ne font pas encore de prévention concernant le harcèlement et la violence en milieu de travail?
M.D. Nous sommes à l’air des médias sociaux où les informations circulent tellement rapidement. Un tel système de signalement permet d’être informé.e presque en temps réel de toutes situations et de les prendre en charge. C’est mieux que de penser que tout va bien et soudainement réaliser que des plaintes sont faites sur les réseaux sociaux ou que des employé.e.s quittent l’entreprise avec tous les dommages que cela entraîne. C’est un investissement.
Nos employé.e.s ne s’attendent pas à ce que nous soyons parfait.e.s, mais ils.elles s’attendent à ce que nous les écoutions et le système d’ALIAS nous permet de le faire.
V.P. C’est un moyen simple, confidentiel et transparent afin d’obtenir de l’information sur votre entreprise que vous n’auriez probablement pas reçue autrement. Vous avez aussi accès à de l’expertise. Combien de fois on se fait dire merci, je n’aurais pas su quoi faire avec cette situation délicate.
Et quelle différence cela fait sur la mobilisation d’un.e employé.e qui voit que son signalement a été pris en charge de façon sérieuse !
Quelque chose à ajouter?
V.P. EEB est une organisation qui a beaucoup d’impact dans son domaine, car elle forme et inspire les décideur.euse.s et les leaders d’aujourd’hui et de demain. La décision qu’ils ont prise d’utiliser et de publiciser un mécanisme de signalement au bénéfice de leurs employé.e.s, leurs fournisseurs et leurs client.e.s et surtout de répéter le message de ne pas hésiter à l’utiliser donne le ton et continue de tracer la voie pour les prochaines années.
Cela montre l’exemple pour tous les milieux de travail qui devront tôt ou tard prendre en charge les facteurs de risques comme le harcèlement sexuel ou psychologique ou encore la violence en milieu de travail.