Employeurs, comment séduire les nouveaux parents ?

20-12-2022
Depuis le 1er janvier 2021, les participant.e.s au Régime québécois d’assurance parentale (RQAP) bénéficient de nouvelles mesures favorisant la flexibilité, l’égalité entre hommes et femmes et bien sûr, d’une meilleure conciliation travail-famille.
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Annie Bourque, Pratiques RH
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Comment les employeurs peuvent être attractifs auprès des nouveaux parents

Le régime est particulièrement apprécié des dirigeant.e.s d’entreprise, selon un sondage Léger, effectué l’an dernier. « À peine sorties de pandémie, la situation est encore difficile pour bien des PME. Toutefois, plusieurs employeurs voient les bénéfices du RQAP », observe Marie Gendron, présidente-directrice générale du Conseil de gestion de l’assurance parentale.

« Si les femmes ont joint le marché du travail, ajoute-t-elle, c’est en raison de la politique familiale qui a mis en place les garderies et le RQAP. Aujourd’hui, on voit clairement l’incidence de la création du RQAP sur le maintien des femmes en emploi. » 

Préoccupé par la situation économique des femmes au Québec, le gouvernement a implanté en 2006, un congé parental distinct de celui des autres provinces canadiennes, plus accessible, généreux et offrant des semaines exclusives aux pères. 

Les familles admissibles au RQAP ont le choix entre 2 options :

1.Régime de base

Choisi par 77 % des familles, 18 semaines de congés de maternité, 5 semaines de congés de paternité à un taux de remplacement de revenu de 70%. À cela s'ajoute 32 semaines de congés partageables entre les deux parents, dont 7 à 70% du revenu admissible et les 25 dernières à 55%. Les prestations sont moins élevées que le régime particulier mais sont sur une durée plus longue. 


2. Régime particulier

Les nouveaux parents ont le choix de prestations plus élevées, jusqu’à 75% du revenu admissible, mais sur une durée plus courte comprenant 15 semaines de prestations de maternité, 3 semaines de paternité et un congé de 25 semaines partageable entre les parents.

Modifications au RQAP :  ce qu’il faut savoir sur les 3 nouvelles mesures 

Depuis le 1er janvier 2021, les parents d’un nouvel enfant ou ceux et celles recourant à l’adoption vont profiter d’une prolongation du congé parental.

1. Période de 78 semaines ou 18 mois 

Période allouée pour recevoir les prestations parentales contrairement à 52 semaines ou 12 mois, auparavant. « Les employé.e.s peuvent négocier avec leur employeur afin de convenir d’un fractionnement de semaines. Cela apporte une flexibilité dans le régime et cette agilité est une bonne nouvelle au plan économique », souligne Marie Gendron, d’un ton enthousiaste. 

Car, en période de pénurie de main-d’œuvre, certains employeurs ne remplacent pas nécessairement la personne qui prend du temps pour s’occuper de son nouveau-né. 

2. Ajout de 4 nouvelles semaines 

Depuis deux ans, les couples qui décident de diviser le congé parental ont droit à davantage de prestations. À partir du moment où les deux parents utilisent respectivement un minimum de 8 semaines de prestations parentales ou d’adoption, le régime accorde 4 autres semaines additionnelles. 

Cela représente un pas en avant pour les parents. 

« On a constaté qu’au-delà des 3 à 5 semaines exclusives réservées aux pères, le reste des semaines partageables étaient surtout prises par les mères. Alors on a voulu stimuler un meilleur partage des congés parentaux, car c’est un gage de meilleur conciliation travail-famille pour la suite », précise la PDG du Conseil de gestion de l’assurance parentale.

En prenant un minimum de 8 semaines des congés partageables, le père peut donc en gagner 4 autres à un taux de remplacement de 55 % de son revenu admissible. 

Cela est-il un incitatif pour les hommes de prendre un congé pour s’occuper de leur bébé ? « Actuellement, on peut dire qu’il y a un mouvement à la hausse d’un plus grand nombre de nouveaux pères qui prennent un minimum de 8 semaines de congé », ajoute Mme Gendron. 


70 % Taux de participation des pères au RQAP en 2020

Cela représente un recul de 2 % par rapport à 2019. Toutefois, la statistique est attribuable à l’incertitude économique et à la mise en place du télétravail obligatoire chez plusieurs employeurs en contexte de pandémie. En 2021, toutefois, les récentes données laissent entrevoir un mouvement à la hausse, nous précise-t-on, selon le Conseil de gestion de l’assurance parentale.


3. Possibilité de gagner un revenu concurrent

En période inflationniste et dans un contexte de pénurie de main d’œuvre, cela peut être fort intéressant pour l’un des deux parents de maintenir une participation partielle sur le marché du travail. 

« Nous avons introduit des mesures plus généreuses en matière de revenus concurrents. Beaucoup de gens ignorent encore qu’on peut recevoir des prestations du RQAP et cumuler un revenu de travail. Avec la nouvelle loi nous avons haussé le plafond et changer la formule pour la rendre plus flexible », précise Mme Gendron.  

Les prestataires peuvent travailler et cumuler jusqu’à 100 % de leur revenu hebdomadaire moyen. Par exemple, si une personne a un revenu hebdomadaire admissible de 1 000 $ et sa prestation du RQAP s’élève à 700 $, la personne a le droit de recevoir un revenu de 300 $ par semaine sans que sa prestation soit réduite. 

Autrement dit, les employé.e.s travaillent quelques heures durant la semaine, sans perte de prestations jusqu’au maximum admissible. « Moins, la personne est retirée longtemps du marché du travail, plus elle est productive à son retour. C’est là aussi un gain économique », soutient Mme Gendron. 

Des mesures plus attrayantes pour fidéliser 

Au Québec, des employeurs choisissent volontairement d’aller bien au-delà des mesures suggérées par le Régime québécois d’assurance parentale. 

Chez le fabricant de boissons chaudes et froides Keurig Dr Pepper Canada, la première Directrice des Ressources Humaines Amélie Lavoie est particulièrement fière d’avoir atteint son objectif, soit l’augmentation de femmes dans les postes de direction. « On veut qu’elles se sentent épanouies dans leur rôle et le congé de maternité, pour nous, c’est une façon de les épauler et de démontrer concrètement notre appui. » 

Mme Lavoie évalue qu’entretemps, les nouveaux parents doivent s’astreindre à un important sacrifice financier. Dépendant du régime choisi, plusieurs employé.e.s ne reçoivent qu’une part de leur revenu pendant un certain nombre de semaines. « Nous voulons réduire cet impact et créer un monde plus équitable en prenant soin pas juste de l'employé.e, mais de sa famille également. » 

Avantages financiers pendant 18 semaines

Concrètement, l’employé.e de Keurig Dr Pepper Canada  recevra 95 % de son salaire durant les 18 premières semaines de son congé parental. 

D’autres entreprises comme la multinationale Rio Tinto Fer et Titane octroie 18 semaines de congés payés pour les nouveaux parents et tuteurs. Ces semaines peuvent être prises dans un intervalle de deux ans suivant l'adoption ou la naissance de l'enfant. « L’objectif de cette politique, c'est de créer un milieu de travail plus inclusif et diversifié, et de reconnaître aussi les changements qui se sont produits dans la société ces dernières années. Je pense que l'on reconnaît maintenant que le rôle des parents est égal, que les deux parents ont des responsabilités partagées et ce régime-là vise à reconnaître ça », a fait valoir Simon Letendre, directeur des relations médias pour le Canada et les États-Unis, lors d’une entrevue à Radio-Canada. 

D’autres entreprises réfléchissent à offrir des compensations financières aux nouveaux parents. « On considère sérieusement de payer la différence pour la perte de revenu. C’est une stratégie visant une meilleure rétention à long terme. On veut réfléchir de façon que cela soit juste et équitable aussi pour tout le monde », confie Michael O’Leary, directeur régional de Robert Half à Montréal, lors d’un entretien pour Pratiques RH. 

Compensations financières, un facteur de rétention et d’attraction

Les entreprises qui dédommagent financièrement les nouveaux parents est une excellente idée, selon la professeure en gestion des ressources humaines à l’université TELUQ, Diane-Gabrielle Tremblay. 

De renommée internationale, la chercheure a assuré la direction scientifique de deux sondages pour le compte du Regroupement pour la Valorisation de la Paternité (RVP). « La présence de meilleures compensations financières (mentionnée par 50 % des répondants au sondage) pourrait inciter à une meilleure participation des pères. C’est aussi important pour les femmes professionnelles et monoparentales », estime Diane-Gabrielle Tremblay. 

Des milieux encore réfractaires au congé parental 

Encore aujourd’hui, dans certains milieux dont les finances, TI (technologies de l’information), droit-avocats, construction, des pressions subsistent pour limiter la durée des congés parentaux surtout chez les pères. « Il faut continuer de convaincre les entreprises qu’une bonne attitude face aux congés parentaux ainsi que les mesures de conciliation travail-famille demeurent un facteur d’attraction et rétention important, surtout en contexte de pénurie de main-d’œuvre», croit Mme Tremblay. 

EN CHIFFRES*

  • 84 900 naissances en 2021 
  • 89,3 % taux de participation au RQAP
  • 45 semaines de prestations en moyenne prises par les mères admises au RQAP 
  • 9 semaines utilisées par les pères admissibles au RQAP 
*Conseil de gestion de l’assurance parentale

Ailleurs dans le monde 

Au Canada, à l'exception du Québec, le congé de maternité existe depuis 1971. Un congé parental de six mois a été allongé à un an en 2001 et partageable entre les deux parents.

En France, actuellement, les salariées qui viennent d’accoucher retournent au boulot après deux mois et demi soit 10 semaines après la naissance de l’enfant. Un congé prénatal de 6 semaines s'ajoute pour atteindre un total de 16 semaines. Le congé de paternité est de 25 jours.

En Islande, les papas ont droit à un congé de paternité de 90 jours tout comme les nouvelles mamans. 

En Espagne, depuis 2021, les mères et pères ont droit à 16 semaines (4 mois) rémunérées à 100 % pour s’occuper de leur enfant. Toutefois, le congé paternité ou maternité est personnel et non transférable à l'autre parent. Cela signifie que si l'un des deux parents ne profite pas du congé qui lui est accordé, il perd ce droit et ne pourra pas en faire bénéficier l'autre comme cela était possible auparavant.

En Norvège, premier pays du monde à instaurer le congé de paternité, en 1993, les parents ont droit à un an de congé payé. Les pères sont obligés de prendre un minimum de 4 mois. 

La Suède est le pays champion incontestable en la matière. Les parents se partagent 16 mois de congé dont 3 mois sont réservés exclusivement au père. 

BON À SAVOIR

Au 1er janvier 2023, le revenu maximal assurable qui sera pris en compte pour calculer le montant des prestations au RQAP s’établira à 91 000 $.

La bonne nouvelle ? Le taux de cotisation au RQAP des salarié.e.s, employeurs et travailleurs.e.s autonomes demeure inchangé en 2023. 

Au Québec, le RQAP est entièrement financé par les employeurs, les employé.e.s. et travailleur.e.s autonomes.  Le gouvernement ne fournit aucun subside financier. Fait à noter, le RQAP est en équilibre financier depuis 2011.