Incursion au cœur de l’apprentissage des équipes de travail

06-05-2021
Les équipes sont au cœur d’une majorité d’organisations. C’est à elles que l’on confie le développement d’innovations, l’implantation de changements structurants et l’exécution des tâches les plus complexes. L’engouement à leur endroit est incontestable : celles-ci trônent au sommet des priorités chez 92% des dirigeants d’entreprises et des leaders en gestion des ressources humaines !
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Pierre-Marc Leblanc, Candidat au doctorat, École de relations industrielles de l'UdeM
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Pratiques RH, développement organisationnel, apprentissage des équipes

La forte popularité des équipes repose sur leurs nombreux avantages. Elles rendent notamment les organisations plus productives et plus agiles, et favorisent la réduction des frais d’exploitation. En étant le principal contexte de socialisation d’une majorité d’employés, elles contribuent également à la satisfaction au travail, à la santé psychologique et au développement professionnel de ces derniers.

Malgré les bénéfices associés aux équipes de travail, leur succès n’est jamais assuré. Plusieurs équipes peinent à atteindre leurs objectifs et certaines subissent même des échecs à répétition. Dès lors, comment expliquer ces problèmes d’efficacité? Pourquoi certaines équipes n’arrivent-elles pas à revoir leurs pratiques lorsque la situation l’exige?

En réalité, une partie importante de la solution se trouve dans la capacité des équipes à apprendre!

1. L’apprentissage des équipes de travail

Il existe deux manières de concevoir l’apprentissage des équipes.

  1. c’est ni plus ni moins un synonyme d’amélioration de la performance. S’appuyant sur la notion de courbe d’apprentissage, l’idée maitresse est la suivante : l’habileté se développe via la pratique. C’est donc à force d’accomplir certaines tâches que les équipes deviennent plus performantes (ex. : réduction du temps de production, amélioration de la qualité et augmentation de la productivité).
  2. l’apprentissage des équipes prend la forme d’un processus comportemental. Leur attention est ainsi dirigée vers les comportements permettant aux équipes d’acquérir de nouvelles connaissances et de développer des compétences collectives. À l’heure actuelle, cette manière de concevoir l’apprentissage des équipes est dominante au sein de la communauté scientifique et c’est donc sur elle que reposera la suite de ce texte.

L’apprentissage est considéré comme un verbe, c’est-à-dire une action.

Par ailleurs, les comportements d’apprentissage sont répartis au sein de deux grandes catégories, à savoir ceux qui surviennent à l’intérieur ou à l’extérieur des frontières de l’équipe (voir le tableau 1 pour quelques exemples).

L’adoption de comportements d’apprentissage est le fruit d’initiatives de la part des équipes. Ils ont aussi la particularité de survenir de manière informelle, que ce soit durant l’exécution d’une tâche, au moment de résoudre un problème technique ou tout simplement, lors d’une réunion d’équipe. Autrement dit, il faut bien distinguer ces apprentissages de ceux réalisées en contexte de formation, où c’est habituellement l’organisation qui détermine les connaissances à acquérir et les compétences à développer.

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2. Comment faciliter l’apprentissage des équipes?

Les gestionnaires disposent de plusieurs moyens pour faciliter l’apprentissage de leur équipe. Ces pratiques de leadership sont regroupés sous quatre catégories :

Être un modèle d’apprenant

Dans un tout premier temps, les gestionnaires gagnent à adopter des comportements d’apprentissage à la vue de leur équipe. C’est ce qu’ils font lorsqu’ils expriment à voix haute certaines réflexions et remettent en question les manières habituelles de faire les choses. Ils envoient aussi un message fort concernant l’importance de l’apprentissage lorsqu’ils explorent l’environnement externe afin de répertorier de nouvelles idées. Des lectures et des observations peuvent ensuite être partagées dans le but d’enrichir ou d’orienter les discussions au sein de l’équipe.

Une autre façon d’agir consiste à inviter des acteurs externes lors de séance de débriefing ou à présenter les trucs et astuces développées par leur propre équipe. Ce partage de connaissances est propice au développement d’idées originales, à la résolution de problèmes et à l’identification de pratiques plus efficaces.

Susciter l’émergence d’un climat de sécurité psychologique

Les gestionnaires incitent aussi leur équipe à adopter des comportements d’apprentissage en intervenant sur certaines dynamiques de nature psychologique. À cet égard, leur toute première responsabilité consiste à susciter l’émergence d’un climat de sécurité psychologique, faisant ainsi de l’équipe un espace où les membres peuvent s’exprimer sans crainte de subir des représailles. Pour ce faire, les gestionnaires doivent à tout prix éviter d’être sur la défensive lorsqu’un membre émet une idée ou une opinion. Une telle réaction risquerait de compromettre le partage d’information et la participation des membres lors de futures discussions en équipe.

Un gestionnaire peut également prévoir des rencontres visant à souligner les bons et les moins bons coups de l’équipe. L’objectif d’apprentissage qui sous-tend ces rencontres doit être mentionné clairement et les échanges entre les membres doivent être basés sur la recherche de solutions. Il faut donc éviter de blâmer les membres pour les erreurs commises et faire en sorte que les discussions demeurent respectueuses. Une manière simple et efficace d’amorcer ces séances consiste, pour les gestionnaires, à admettre certaines erreurs qu’ils ont eux-mêmes commises.

Qui plus est, les équipes tendent à s’exprimer plus librement lorsque leur gestionnaire fait preuve d’humilité. Concrètement, l’humilité consiste à admettre ses propres limites ou sa méconnaissance de certains aspects liés au travail, à reconnaitre les forces et l’expertise des membres de son équipe, ainsi qu’à solliciter le point de vue de ces derniers et à apprendre auprès d’eux. En se comportant avec humilité, les gestionnaires signalent qu’il est impossible de tout savoir et incitent leur équipe à continuellement réfléchir à l’efficacité de ses pratiques, ainsi qu’à demeurer à l’affut de nouvelles idées. 

Favoriser le sentiment de confiance groupale

La littérature scientifique nous apprend qu’une équipe confiante dans sa capacité à avoir du succès consacre plus d’efforts à la réalisation de ses tâches et persévère davantage lorsqu’elle se heurte à des difficultés. Cultiver le sentiment de confiance groupale est donc une responsabilité importante des gestionnaires et contribue de manière importante à l’adoption de comportements d’apprentissage. Afin d’y parvenir, les gestionnaires gagnent à fixer des objectifs élevés (mais atteignables), précis, à court et à moyen terme. Ces caractéristiques rendent les objectifs d’équipe plus concrets et plus stimulants, ce qui favorise du même coup leur réalisation.

Afin de convaincre leur équipe qu’elle a la capacité d’avoir du succès, les gestionnaires doivent aussi demeurer optimistes face à l’adversité et ne pas afficher leur découragement. Ils peuvent également rappeler à l’équipe ses succès antérieurs et faire en sorte qu’elles vivent à nouveau de petites victoires. Ces pratiques de leadership renforcent le sentiment de confiance groupale et la persévérance de l’équipe dans l’atteinte de ses objectifs d’apprentissage et de développement.

Gardons à l’esprit qu’un sentiment de confiance groupale très élevé peut parfois mener une équipe à surestimer ses capacités. Afin d’éviter tout excès de confiance, les gestionnaires doivent veiller à ce que ce sentiment demeure élevé, mais soit aussi fidèle aux véritables capacités de l’équipe.

Agir sur la structure de l’équipe

Les gestionnaires sont invités à intervenir sur un certain nombre de facteurs structurels dans le but de faciliter l’apprentissage de leur équipe. Autant que possible, ils doivent s’efforcer d’attirer et de sélectionner des membres ouverts d’esprits, ayant une préférence pour le travail en équipe et tendance à être proactifs. Ces caractéristiques individuelles prédisposent les membres à s’impliquer activement dans l’apprentissage et le développement de leur équipe.       

Les équipes doivent avoir l’autonomie requise afin d’adopter des comportements d’apprentissage. Dès lors, les gestionnaires gagnent à leur accorder la possibilité de déterminer elles-mêmes un certain nombre d’aspects liés au travail, selon la nature des tâches à accomplir (ex. : planification, fixation d’objectifs et modes de communications).

            En outre, les équipes sont plus enclines à adopter des comportements d’apprentissage lorsqu’elles disposent du temps nécessaire pour le faire. Les gestionnaires doivent donc leur accorder la possibilité de tenir des rencontres consacrées à l’apprentissage (ex. : séances de débriefing) et au besoin, repousser l’échéance de certains objectifs de manière à ce que leurs membres puissent expérimenter et collecter de nouvelles informations auprès de sources externes.

            L’apprentissage est un aspect essentiel au bon fonctionnement et au succès des équipes de travail. Étant donné le rôle prépondérant des équipes au sein des organisations moderne et la complexité grandissante de leurs tâches, nous invitons les gestionnaires à accompagner leur équipe dans l’identification de ses besoins en matière de développement et dans l’adoption des comportements les plus susceptibles de contribuer à l’atteinte de ses objectifs d’apprentissage.


Références

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