Julien la star de la restauration à Val-d'Or, exemple d'une intégration réussie
Son dévouement, sa bonne humeur et son entregent ont rapidement conquis les habitués. « Au début, il y avait parfois un certain malaise chez les gens, mais sa présence a rapidement enlevé les préjugés », raconte Annie Gauthier, co-propriétaire de la franchise qui l’a recruté il y a 12 ans.
Avant de l’intégrer dans l’équipe, la restauratrice a pris la peine de s’informer au sujet des personnes trisomiques qui occupent un emploi à l’âge adulte.
Les conditions de réussite sont liées à un bon encadrement.
« Avant tout, je souhaitais le stimuler, le valoriser et contribuer à ce que mes autres employés travaillent avec quelqu’un de différent », confie la femme d’affaires.
Toujours bien vêtu et à l’affût de l’actualité, Julien a appris différentes tâches dont la confection de sacs de livraison. « J’adore travailler, donner un coup de main et du "power" à mes collègues », nous dit le jeune homme de 31 ans.
Au fil des ans, il est devenu le « petit frère », des autres membres de l’équipe. Un modèle, une source d’inspiration. Aujourd’hui, sur les 160 employés du St-Hubert à Val-d’Or, une dizaine d’entre eux présentent une limitation, déficience, voire un handicap.
16 % des Québécois ont un handicap
Cela représente 1 053 350 personnes. Près de 45 % des personnes handicapées de 15 à 64 ans sont actives sur le marché du travail. Au quotidien, ces gens doivent composer avec des limitations fonctionnelles comme une incapacité auditive, visuelle, motrice, trouble de communication, problème de langage, maladie dégénérative, déficience intellectuelle ou problèmes psychologiques.
Source : Office des personnes handicapées du Québec
Chaque personne trisomique évolue à son rythme. Dans son cas, Julien souffre d’un léger retard intellectuel qui est toutefois compensé par sa grande sociabilité. Hypersensible et à l’écoute des autres, il est capable de déceler si un collègue frôle l’épuisement professionnel.
De la place pour tous
Il y a 12 ans, Annie Gauthier désirait donner une chance aux employés comme Julien. Une priorité. « Je ne veux pas de différence au sein de mon équipe, dit-elle, et encore moins au sein de ma clientèle. Pour moi, c’est l’ADN de notre St-Hubert. »
Chacun, malgré ses limitations, se démarque par ses qualités, ses forces dont le sens de l’humour, la ponctualité ou le souci du travail bien fait. « L’objectif, ajoute-t-elle, c’est que tous s’intègrent dans l’entreprise et sentent que leur présence fasse une différence. »
Mme Gauthier croit qu’il faut voir au-delà d’un poste à combler ou d’une tâche à effectuer. De là, l’importance, de consacrer du temps pour apprivoiser la personne et de développer une relation de qualité. À l’instar du Petit Prince et de sa rose.
« Aujourd’hui, c’est gratifiant de comparer Julien, Alain, Luc, Kelly-Ann, Pierre, Martin ou David, à un bulbe qu’on a pris la peine d’arroser. Si on les avait mis en arrière, dans l’ombre, le bulbe ne serait jamais devenu une fleur », image-t-elle.
Mme Gauthier observe les bénéfices de son initiative. « Il se développe un sentiment d’entraide et surtout, les employés sont fiers de faire partie d’une équipe diversifiée. »
Surmonter ses préjugés
Plusieurs gens d’affaires ont encore des préjugés face à l’embauche de quelqu’un de différent ayant un déficit ou un retard. « Beaucoup d’employeurs perçoivent une personne en situation de handicap comme un spécimen ou "une bébitte" qui arrive au travail », témoigne André Parent, conseiller d’orientation et directeur clinique chez ÉquiTravail, un service d’aide, membre du ROSEPH*.
Au quotidien, M. Parent rencontre les dirigeants ou gestionnaires en ressources humaines intéressés à embaucher des gens comme Julien. « On arrive avec des solutions : si vous voulez qu’il soit efficace, il a besoin de directives, d’un horaire fixe et d’une personne-ressource dans l’entreprise et d’un lieu tranquille pour prendre une pause. »
Avant l’embauche, une rencontre a lieu avec les membres du personnel. M. Parent explique alors les enjeux. « Il faut savoir qu’une personne autiste par exemple, ne comprendra pas nécessairement les blagues ou l’ironie. »
Le secret de la réussite
L’intégration d’une personne comme Julien est étroitement liée à la bienveillance, à l’empathie et la rétroaction. « C’est la clé du succès. Ainsi, on communique en toute transparence, intégrité, honnêteté », préconise M. Parent.
En tout temps, les entrepreneurs comme Annie Gauthier peuvent recevoir l’aide d’un agent d’intégration qui accompagne la personne en situation de handicap sur le lieu du travail. « On vise la stabilité d’emploi, dit M. Parent. C’est pourquoi il est important pour nous d’avoir en tête les besoins et réalités de l’entreprise. »
Quels problèmes font face les entreprises inclusives ? « Une grande majorité de notre clientèle a de la difficulté à gérer le stress et la pression », indique M. Parent.
Chez St-Hubert, « ça roule en fou », pour reprendre l’expression de Mme Gauthier. Les employés passent à travers cette période intense grâce à la rétroaction de la co-propriétaire, attentive à leurs besoins.
« Le stress est souvent lié à un manque de directive et de communication de la part de l’employeur », estime André Parent d’ÉquiTravail.
Certains employeurs sont parfois démunis face à l’anxiété d’un travailleur qui réagit par une crise de larmes. Les agents d’intégration vont alors trouver les solutions. « Ils nous aident à gérer des situations imprévues comme le deuil d’un parent d’un employé », témoigne Annie Gauthier.
Faire évoluer son modèle d’entreprise
Si le St-Hubert de Val-d’Or vit une expérience positive avec l’intégration de gens ayant des limitations fonctionnelles, cela donnera peut-être envie à d’autres de devenir à leur tour une entreprise inclusive, croit M. Parent.
D’un autre côté, les gens comme Julien Fournier brisent leur isolement en se taillant une place dans la société. Une fierté pour eux de pouvoir par la suite se payer une voiture, un appartement, un voyage de pêche.
Avant tout, en cette période de rareté de main-d’œuvre, leur présence apporte une stabilité à l’employeur. Au fil des ans, la restauratrice Annie Gauthier a réussi à créer un sentiment d’appartenance et de loyauté.
Si on se fie au témoignage de Julien, celui-ci souhaite travailler au St-Hubert de Val-d’Or jusqu’à sa retraite. Son message aux employeurs qui hésitent à embaucher « quelqu’un comme lui » : « Je leur dis vas-y, fonce et aie le courage de tes convictions, mais surtout, prenez le temps de nous connaître », répond-il en souriant.
Cinq pistes pour intégrer en entreprise une personne en situation de handicap
- Prendre en considération l’individu, la personne
- On évalue ses capacités, ses difficultés
- On met en place différentes solutions personnalisées selon le travail et l’entreprise.
- On se concentre sur son potentiel et ses qualités
- On fait preuve de bienveillance, empathie et rétroaction
Des subventions disponibles
Vous désirez suivre l’exemple d’Annie Gauthier ? Informez-vous des mesures financières disponibles. « L’employeur ne reçoit pas un montant d’argent tout d’un coup, mais bien un remboursement selon des paramètres précis, fixés par un contrat signé. Cette somme vient compenser le manque à gagner de la personne avec un handicap et son surplus d’encadrement», note André Parent d’ÉquiTravail.
- Emploi et Développement social Canada : Embaucher des personnes en situation de handicap
- Emploi Québec : Intégration des personnes handicapées
Vidéo inspirantes d’entreprises qui ont engagé des employés avec des limitations fonctionnelles
- Travailler, c’est se sentir utile!
- Entreprise inclusive : Lasertech Industries
- Mathieu Cauchon Patates Dolbec
Le ROSEPH
Le Regroupement des organismes spécialisés pour l’emploi des personnes handicapées (ROSEPH) compte 24 organismes spécialisés qui favorisent l'intégration et le maintien en emploi des personnes en situation de handicap.