La dépendance sexuelle constitue-t-elle un handicap aux yeux de la loi?

29-09-2020
Imaginez la situation suivante. Un de vos employés va aux toilettes de votre entreprise et remarque qu’une personne […]
Rédigé par :
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Cynthia Bachaalani et Élaine Léger
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Marteau marron avec une fanfare sur fond gris

Question

La dépendance sexuelle constitue-t-elle un handicap aux yeux de la loi?

Imaginez la situation suivante. Un de vos employés va aux toilettes de votre entreprise et remarque qu’une personne « respire bruyamment, fait des mouvements saccadés et gémit » dans l’une des cabines. L’employé témoin de la scène décide de vous dénoncer la situation. Vous rencontrez l’employé en question. Suivant cette rencontre l’employé cesse ses comportements pendant une certaine période de temps, mais reprend ses mauvaises habitudes environ deux ans plus tard.

De nouvelles plaintes sont déposées par vos employés. Vous menez alors une seconde enquête et rencontrez à nouveau l’employé. Ce dernier passe aux aveux et explique qu’il regarde de la pornographie et pose des gestes à caractère sexuel dans les toilettes au travail. Conséquemment, vous décidez de congédier l’employé pour cause. 

Devant une telle situation, avez-vous une obligation d’accommodement parce que ce type de conduite relève d’une dépendance sexuelle? Selon la trame factuelle décrite ci-haut, la défense de la dépendance sexuelle de la part de l’employé a-t-elle beaucoup de chance de succès devant un tribunal?

Réponse

Nous avons obtenu la réponse dans une décision récente du tribunal d’arbitrage de Halifax en Nouvelle-Écosse . Essentiellement, il a été décidé que l’employé en question avait été prévenu par l’employeur d’arrêter de poser de tels gestes au travail et que sa conduite était jugée comme inappropriée par ses collègues. 

À l’audience, le plaignant a reconnu qu’il avait arrêté ses agissements pendant un certain temps, mais que lorsqu’il a recommencé à le faire, il était conscient du fait que cela était inapproprié et que sa conduite mettait ses collègues mal à l’aise. 

Selon l’arbitre de grief, la preuve n’a pas démontré que les comportements de l’employé concerné découlaient d’une réelle dépendance sexuelle. L’arbitre n’a donc pas été convaincu que la dépendance sexuelle était un problème de santé ni que l’employé en question en souffrait. De surcroît, même si la preuve avait démontré que l’employé souffrait d’une dépendance sexuelle, il aurait également fallu prouver que celle-ci était invalidante et qu’elle empêchait le travailleur d’exécuter sa prestation de travail normalement. 

Ainsi, selon l’arbitre, dans la mesure où la dépendance alléguée n’avait pas d’incidence sur la capacité du plaignant à accomplir ses tâches, il n’y avait aucun handicap et l’employeur n’avait aucune obligation d’accommodement. Le congédiement a donc été maintenu. 

Contenu supplémentaire

Bonnes pratiques en matière d’accommodement raisonnable et de comportements sexuels 

Bien que dans l’affaire précitée aucune demande d’accommodement raisonnable n’a formellement été faite par l’employé, il est possible que vous soyez confronté à cette éventualité dans votre quotidien. Ainsi, voici quelques bonnes pratiques à adopter lorsqu’une demande d’accommodement raisonnable vous est soumise par un employé : 

  • Faites une enquête. Les actes à caractère sexuels peuvent constituer du harcèlement psychologique;
  • En cas d’allégation de handicap de la part du salarié dont les gestes sont inappropriés, questionnez-vous sur la validité de cette prétention;
  • Si l’allégation du handicap s’avère bien fondée : rencontrez l’employé qui demande ou qui nécessite potentiellement un accommodement; 
  • Recueillez les informations pertinentes. Par exemple, dans le cas d’une demande d’accommodement fondée sur le handicap, il doit toujours exister un lien rationnel entre les informations médicales recueillies et les capacités de l’employé à exercer les fonctions essentielles du poste occupé, donc il importe de recueillir les informations médicales nécessaires à ce sujet.  Il faut également analyser si ce handicap peut en soi, être un facteur atténuant aux gestes posés par l’employé; 
  • Respectez le caractère confidentiel des renseignements fournis par l’employé; 
  • Engagez-vous à répondre à la demande d’accommodement dans un délai raisonnable, s’il y a lieu; 
  • Traitez la demande de manière objective et n’hésitez pas à recourir à une preuve médicale d’expert au besoin afin de confirmer ou infirmer le handicap allégué par l’employé; 
  • Tentez d’impliquer l’employé dans la recherche de solutions; 
  • L’employeur a une obligation d’accommodement, si l’employé a véritablement un handicap et cette obligation ne doit pas représenter une contrainte excessive. Il faut donc évaluer le critère de la contrainte excessive au cas par cas en tenant compte notamment des coûts en fonction de la capacité de l’entreprise, de l’organisation du travail, la sécurité, les droits d’autrui et de la convention collective, le cas échéant. 
  • Choisissez la solution la plus appropriée; 
  • Motivez et expliquez votre décision; 
  • Mettez par écrit les termes de l’entente, le cas échéant.