Facteurs de pondération dans la détermination d’une sanction - Partie 1

20-09-2020
Avant toute chose, au moment de déterminer la sanction appropriée dans un cas de harcèlement, il est importance de prendre le temps de définir les facteurs de pondération […]
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Daphnée Legault, FASKEN
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Avant toute chose, au moment de déterminer la sanction appropriée dans un cas de harcèlement, il est importance de prendre le temps de définir les facteurs de pondération […]

Vous avez reçu il y a quelque temps une plainte pour harcèlement que vous estimez fondée. Tout porte à croire que l’un de vos employés a harcelé un ou des collègues. Vous devez maintenant choisir la sanction que vous imposerez à cette personne. Toutefois, vous ne savez pas exactement quelle conséquence serait la plus appropriée eu égard aux circonstances.

En gardant en tête que chaque situation est unique et doit être évaluée à son mérite, les tribunaux ont admis à maintes reprises qu’un congédiement automatique n’est pas toujours la meilleure voie à suivre. Malgré que vous ayez en tant qu’employeur une politique de « tolérance zéro » face au harcèlement, certaines situations militent plus fortement vers d’autres mesures disciplinaires. Afin de déterminer laquelle est la plus indiquée, quatre facteurs de pondérations ont été érigés, soit :

  1. Les facteurs reliés au harcèlement ;
  2. Les facteurs reliés à la relation d’emploi ;
  3. Les facteurs reliés à la personne du salarié ;
  4. Les facteurs reliés au milieu de travail.

Comment évaluer chacun de ces facteurs ?

1. Les facteurs reliés au harcèlement

Trois éléments sont principalement à considérer :

  • La gravité des gestes posés ou des paroles prononcées. Il s’agit de l’un des facteurs les plus importants. De façon objective, plus les gestes posés sont graves, plus la sanction devra être sévère. Certains gestes sont d’une telle gravité qu’ils commandent un congédiement automatique. Par exemple, dans une décision du Tribunal d’arbitrage1, un employé avait eu des gestes agressifs, avait abusé de son langage, avait procédé à des attouchements et avait proféré des menaces de mort à une employée. Malgré une suspension de deux semaines et un avertissement, le plaignant avait récidivé et son comportement s’était aggravé. L’arbitre a maintenu le congédiement malgré qu’il eût travaillé plus de 20 ans pour cet employeur, puisque son comportement constituait une faute lourde.
  • La répétition et la continuité des gestes harcelants. Plus le harcèlement s’échelonne sur une longue période de temps, plus la sanction correspondante sera sévère. Un geste isolé sera normalement moins porteur de conséquences qu’un geste répété. À titre d’exemple, dans une autre décision du Tribunal d’arbitrage2, plusieurs personnes avaient harcelé physiquement, mentalement, verbalement et sexuellement des salariés sous leur supervision et maintenaient un stress constant au sein du département. Puisque les plaignants maintenaient un réel régime de terreur depuis plusieurs années, les congédiements à leur égard ont été maintenus.
  • L’effet du harcèlement sur la personne harcelée. Des effets comme le stress, l’angoisse, les désordres psychologiques, la démission de la victime, les conséquences en général sur la vie personnelle de la victime ou la dépendance aux drogues ou à l’alcool sont tous des éléments pouvant aggraver la sanction envers l’employé harceleur.  Dans une décision du Tribunal des droits de la personne3, une employée avait été victime de harcèlement sexuel de la part de son supérieur. Pour se remettre sur pied, elle avait dû obtenir de l’aide à plusieurs reprises, car elle demeurait très craintive au travail. Son stress n’a pu diminuer qu’avec le support d’un groupe d’entraide. Les séquelles psychologiques importantes de la victime ont été fortement considérées dans la détermination des dommages auxquels elle a eu droit.

2. Les facteurs reliés à la relation d’emploi

Plusieurs éléments sont à considérer :

  • La position d’autorité du harceleur envers la victime. En effet, si la victime répond hiérarchiquement de son harceleur, les sanctions seront normalement plus sévères. En tant que représentant de l’employeur, il est attendu des dirigeants qu’ils agissent avec respect dans leurs relations professionnelles, auquel cas de tels manquements représentent souvent des abus d’autorité.
  • L’ancienneté de l’harceleur. Le fait que l’employé ait derrière lui plusieurs années de service sans reproche pourrait constituer une circonstance atténuante. Dans une décision du Tribunal d’arbitrage4, un arbitre a substitué un congédiement pour une suspension de 10 mois, notamment car l’employé avait beaucoup d’ancienneté.
  • Le dossier disciplinaire de l’harceleur. Un dossier disciplinaire pour des infractions autres que pour du harcèlement peut être pris en considération. Toutefois, surtout en matière d’harcèlement sexuel, un dossier disciplinaire vierge ne devrait pas exonérer l’employé de la possibilité d’être congédié.
  • Nous verrons dans un prochain article les deux autres facteurs de pondération, soit les facteurs reliés à la personne qui a harcelé, et les facteurs reliés au milieu de travail. Cliquez ici pour lire la suite.
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Références

1. Association des cadres des affaires sociales et Centre hospitalier de M., D.T.E. 92T-1234 (T.A.).
2. Provigo Distribution inc. (Maxi Les Saules) et T.U.A.C., section locale 503, D.T.E. 98T-642 (T.A.).
3. Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse c. Birkett, D.T.E. 2000T-502 (T.D.P.Q.).
4. Hippodrome de Montréal et Syndicat des employés des services de l’entretien de l’Hippodrome de Montréal, D.T.E. 2003T-133 (T.A.).