Facteurs de pondération dans la détermination de la sanction - Partie 2

20-09-2020
Pour faire suite à la partie 1 apprenez-en plus sur les deux derniers facteurs de pondération lors de la détermination d’une sanction dans un cas de harcèlement, soit ceux reliés au harceleur et ceux reliés au milieu de travail […]
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Daphnée Legault, FASKEN
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Pratiques RH, bonnes pratiques, prévention harcèlement, harcèlement psychologique, harcèlement sexuel, milieu de travail, facteurs pondération, sanction en cas de harcèlement

Dans le cadre du précédent article, nous avons discuté de l’importance des facteurs de pondération dans la détermination de la sanction appropriée dans un cas de harcèlement, et nous avons abordé les deux premiers facteurs, soit ceux reliés au harcèlement en tant que tel, et ceux reliés au lien d’emploi. Dans le présent article, nous détaillerons les deux derniers facteurs, soit ceux reliés au harceleur et ceux reliés au milieu de travail.

3. Les facteurs liés à la personne du salarié qui a commis le harcèlement

Deux éléments sont à considérer :

  • L’admission ou non par le harceleur des fautes qu’il a commises.

    Si le harceleur admet ses torts : cela peut être considéré comme un facteur atténuant, d’autant plus s’il présente des excuses. Il faut toutefois garder en tête que des aveux devant une preuve accablante risquant d’engendrer des sanctions réelles valent moins que des aveux plus spontanés.

    Si le harceleur n’admet pas ses torts : dans ce cas, cela peut constituer un facteur aggravant dans la détermination de la sanction. Ce genre d’attitude permet de croire que l’employé ne changera pas et qu’il risque de récidiver, et ce, à court terme. Une absence de regrets ou d’excuses milite donc en faveur d’une mesure disciplinaire plus sévère. Dans une décision du Tribunal d’arbitrage1, un plaignant avait harcelé sexuellement une autre employée. Celui-ci niait toujours avoir un problème de comportement ; il avouait avoir posé les actes reprochés, mais ne reconnaissait pas leur caractère problématique. En l’espèce, le congédiement à son égard a donc été maintenu.
     
  • Le fait que le harceleur ait été sous l’influence d’alcool ou de drogues. Que l’employé ait été sous l’influence au moment où il a posé ses gestes ou encore que celui-ci souffre d’une dépendance à l’alcool ou aux drogues ne devrait normalement pas influencer la détermination de la sanction. En effet, dans une décision du Tribunal d’arbitrage2, un salarié avait été congédié pour harcèlement sexuel et invoquait que les fautes avaient été commises alors qu’il abusait de l’alcool. L’arbitre a rejeté cette défense, car une faute grave telle que la consommation d’alcool au travail ne saurait excuser une autre faute grave, soit celle d’avoir harcelé sexuellement.

4. Les facteurs reliés au milieu de travail

Trois éléments sont à prendre en compte :

  • La tolérance de l’employeur et l’absence de sanctions antérieures pour harcèlement. À moins de fautes graves qui nécessiteraient un congédiement immédiat, l’employeur doit normalement respecter le principe de la gradation des sanctions. L’absence de sanctions antérieures pourrait inciter le tribunal à substituer la sanction imposée pour une sanction plus clémente. Dans une décision du Tribunal d’arbitrage3, un plaignant congédié pour harcèlement a eu partiellement gain de cause, ayant vu son congédiement substitué pour une suspension. L’arbitre en a décidé ainsi notamment, car l’employeur avait été négligent en omettant de sanctionner le plaignant dès le premier épisode. La progression des sanctions n’avait pas été appliquée.
     
  • La culture du milieu de travail. Il est important de noter que cet élément n’est plus un moyen de défense permettant d’atténuer la faute et la mesure à imposer. Dans une décision du Tribunal d’arbitrage4, l’arbitre a refusé de considérer une culture qui serait supposément tolérante envers des propos grossiers, sexistes et injurieux. Il a d’ailleurs rajouté que l’employeur pourrait être tenu responsable d’avoir maintenu cette culture au sein du milieu de travail.
     
  • L’absence d’une politique contre le harcèlement au travail. En effet, l’absence d’une telle politique pourrait constituer une circonstance atténuante qui viendrait réduire une sanction qui avait été imposée par l’employeur. Dans une décision du Tribunal d’arbitrage5, un arbitre a, en su de la responsabilité des employés harceleurs, condamné l’employeur, car au moment du grief il n’y avait pas de politique contre le harcèlement, et qu’une telle politique n’a été mise en place qu’en réaction à la plainte de la victime. Ce manquement constituait une faille dans l’obligation de l’employeur de fournir un environnement de travail sain et de prendre les mesures nécessaires pour prévenir la survenance de comportements harcelants. Ce facteur est encore plus important depuis le 1er janvier 2019, puisque la Loi sur les normes du travail a été modifiée pour y ajouter l’obligation pour l’employeur d’adopter une telle politique6.
Contenu supplémentaire

CONSEILS PRATIQUES

  • Il est important d’intervenir dès les premières manifestations de harcèlement, même si les gestes ne sont pas objectivement très graves. Cela permettra de sanctionner plus sévèrement si les comportements s’aggravent. Un avis à l’employé concerné l’informant de la problématique de son comportement et des mesures disciplinaires qui lui seront imposées en cas de récidive pourraient suffire. Chaque cas étant un cas d’espèce, il ne faut pas pour autant être clément face à une situation grave.
  • L’instauration d’une politique claire contre le harcèlement diminuera vos chances de voir vos sanctions imposées à vos salariés diminuées, ou même annulées.
  • Respectez la gradation des sanctions. Les situations isolées ou les premiers incidents qui commandent automatiquement un congédiement sont rares.
  • Règle générale, les tribunaux sont plus sévères à l’endroit des personnes qui ont harcelé sexuellement. Mais bien évidemment, chaque situation doit être examinée selon l’ensemble de ses circonstances.

Références

1. Syndicat des salariés des Aliments Prince et Aliments Prince Foods inc., D.T.E 93T-105 (T.A.).
2. Syndicat canadien des communications, de l’énergie et du papier et Expertech Bâtisseur de réseaux inc., D.T.E. 2002T-804 (T.A.).
3. Fromage Kingsey ltée et Syndicat des salariés de Fromage Kingsey, D.T.E. 2002T-85 (T.A.).
4. Fraternité des policières et policiers de la Ville de Montréal et Montréal (Ville de), D.T.E. 2003T-223 (T.A.).
5. Royal Victoria, [1993] T.A. 983 (T.A.).
6. Loi sur les normes du travail, RLRQ, c. N-1.1, art. 81.19.