Conflit personnel ou harcèlement psychologique ?

09-09-2020
Comment peut-on arriver à différencier le conflit de travail du harcèlement psychologique? Le conflit de travail fait référence à une situation dans laquelle les deux personnes […]
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Élaine Léger et Philippe Dion, FASKEN
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Homme d'affaires et femme d'affaires de profil faisant valoir debout avec table sépare

Une gérante dans un restaurant se plaint d’avoir été victime de gestes et de paroles hostiles et non désirés de la part d’un cuisinier qui agit également à titre de gérant de la cuisine. Elle reproche, en plus, à l’employeur de manquer à son obligation de lui fournir un milieu de travail exempt de harcèlement. 

De toute évidence, les deux employés ne s’apprécient pas et ont des caractères forts. Les commentaires faits par la gérante à l’égard du cuisinier sont mal reçus et ce dernier ne s’empêche pas d’y répondre de façon peu courtoise. 

Ainsi, les deux gérants ont eu plusieurs altercations, s’échangent des insultes, des propos disgracieux de sorte que des affrontements récurrents interviennent entre les deux employés. Au surplus, leurs récriminations et leurs insultes se déroulent devant les regards des autres employés. Ils se lancent des jurons et se poursuivent dans le restaurant. 

L’employeur, dont on peut imaginer le désarroi, décide de tenir des rencontres individuelles avec les deux employés, dans lesquelles ils s’accusent mutuellement d’être la source du conflit. 

D’ailleurs, lors d’une de ces rencontres, l’employeur demande au cuisinier de présenter des excuses à la plaignante. La gérante n’est pas satisfaite de cette façon de faire et demande à l’employeur d’intervenir davantage. Elle va jusqu’à exiger le congédiement du cuisinier. L’employeur, réalisant probablement que ceci ne mènerait nulle part, met fin à la rencontre et reste seul avec la gérante. Il lui rappelle qu’elle a sa part de responsabilité dans le conflit et que son attitude donne aussi lieu à de fréquents conflits avec d’autres employés. Il lui demande sa collaboration afin d’apaiser les disputes avec le cuisinier.

Suite à ces rencontres, l’employeur décide d’apporter des changements dans l’administration du restaurant dans le but de minimiser les contacts entre les deux individus. Ainsi, il procède à une réorganisation des tâches et, voyant que ce n’est pas suffisant, il va même jusqu’à modifier temporairement les horaires de travail de la plaignante. Il est à noter que ces changements étaient temporaires, puisque le cuisinier devait quitter son emploi dans les semaines suivantes.  

Malgré ces mesures, la plaignante continue de s’attribuer des quarts de travail pendant les heures du cuisinier de sorte que la situation s’envenime davantage entre elle, le cuisinier et l’employeur. La plaignante accuse l’employeur de participer, à son tour, à la situation d’harcèlement psychologique qu’elle prétend subir, notamment en raison du changement d’horaire imposé et d’un supposé manque de support.

Comment peut-on arriver à différencier le conflit de travail du harcèlement psychologique?

Le conflit de travail fait référence à une situation dans laquelle les deux personnes sont en opposition et sont toutes deux parties prenantes de la trame conflictuelle alors que le harcèlement représente une situation dans laquelle une partie agit sans provocation de la part de l’autre faisant de cette dernière une victime puisqu’elle ne contribue pas à la situation. 

Quelles ont été les conclusions du tribunal dans cette affaire?

Le Tribunal a rejeté la plainte de la plaignante pour harcèlement psychologique. La gérante participait à la situation conflictuelle et contribuait au climat malsain ambiant chez l’employeur. La plaignante était colérique, avait plusieurs conflits avec d’autres employés et n’acceptait pas les mesures prises par l’employeur. Son attitude et son comportement au travail n’ont pas convaincu le Tribunal qu’elle avait été exposée à du harcèlement psychologique. 

Ce dernier souligne les mesures prises par l’employeur et conclut qu’il n’y a aucune attitude malveillante de la part de ce dernier en changeant l’horaire de travail de la plaignante ou en réorganisant les tâches des deux employés. Il a simplement exercé son droit de gérance de façon légitime afin de ramener le calme dans le restaurant et de régler la situation conflictuelle entre ses deux employés. 

Contenu supplémentaire

BONNES PRATIQUES À ADOPTER

L’employeur doit être rigoureux dans l’application de sa politique pour contrer le harcèlement psychologique sur le lieu de travail afin de déterminer s’il s’agit bien d’une réelle situation d’harcèlement. Pour ce fait, il est important de :

  • Mener rapidement une enquête sérieuse afin de recueillir le plus d’informations contemporaines possible;
  • Agir promptement afin de bien identifier les différents éléments de la situation et d’implanter avec célérité des mesures afin de diminuer ou de faire cesser les interactions entre les deux employés, et ce, même s’il s’agit d’un conflit de travail;
  • Utiliser à bon escient son droit de gestion afin de régler la situation conflictuelle telle que d’éviter que deux employés en situation de conflit travaillent ensemble et faire une réorganisation des tâches avec le moins d’impact possible sur les employés.
  • La gestion des allégations d’harcèlement psychologique peut apporter plusieurs difficultés aux employeurs. L’une d’entre elles est de faire la différence entre une situation réelle d’harcèlement psychologique et celle d’un conflit personnel entre deux employés, aussi important qu’il puisse être.   
  • Dans une affaire récente, le Tribunal administratif du travail a rejeté la plainte pour harcèlement psychologique d’une gérante d’une franchise de restauration rapide qualifiant plutôt la situation de conflictuelle  notamment au motif qu’elle avait participé à cette situation.