Charte des employeurs de la FCCQ valorisant la persévérance scolaire

31-03-2022
La hausse du coût de la vie et la pénurie de main-d’œuvre incitent un.e jeune sur 2 à travailler tout en poursuivant ses études. De surcroît, la pandémie a provoqué une réorientation de carrière pour plusieurs adultes, des parents, qui se retrouvent sur les bancs d’école.
Contexte et solutions pour favoriser la réussite de tous.
Rédigé par :
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Annie Bourque, Pratiques RH
Pratiques RH, Charte des employeurs, FCCQ, persévérance scolaireC

Depuis deux ans, plusieurs ont quitté un emploi en restauration, tourisme et aéronautique pour suivre une formation professionnelle en horticulture, santé, mécanique, administration, construction, etc.  

80 % 

Près de 80 % des employé.es-étudiant.es cumulent + de 40 heures par semaine de cours, de travaux scolaires et de travail ou stage rémunéré. 

Par crainte de déplaire, certain.es n’osent pas refuser les heures supplémentaires. « Trop souvent, le jeune en a trop et n’est plus présent mentalement. Fatigué, il finit par abandonner ses études », observe Danielle Roy, présidente de l’Association québécoise de l'alternance études-Travail (AQAET). 

Toutefois, pondère-t-elle, certains privilégient un programme d’alternance travail-études permettant d’acquérir une formation scolaire et un métier en entreprise. « De son côté, l’employeur a accès à une belle relève qu’il peut accompagner », ajoute-t-elle. 

3 X plus

Les jeunes qui disent concilier difficilement études et travail sont trois fois plus nombreux à avoir pensé à abandonner leurs études. 

« Il faut donner la possibilité aux jeunes de terminer leur secondaire V. Dans une économie changeante, où certaines industries disparaissent, ils ou elles doivent acquérir les outils et cette capacité d’adaptation de vivre ces transformations du marché du travail », croit de son côté, Audrey McKinnon, directrice générale du Réseau québécois pour la réussite éducative (RQRE).  

Le premier trio pour la réussite de la persévérance scolaire, selon elle, c’est le jeune, son parent et ses enseignants. « Comme employeur, la première chose, c’est de prendre conscience de ton impact, d’agir et de te mettre en action. C’est important que nous, les adultes, on ne les abandonne pas », souligne Mme McKinnon. 

Les études démontrent que le décrochage scolaire a un impact considérable sur les entreprises et l’économie québécoise* :

- 15 000 $ de revenu annuel perdu pour un non-diplômé

- 1.9 milliard $ en perte de taxes, impôts et coûts sociaux redevables au décrochage de 28 000 jeunes du secondaire

Charte des employeurs pour la persévérance scolaire de la FCCQ 

Au cours des derniers mois, à l’initiative de la FCCQ, la Table ronde entre le milieu des affaires et de l’éducation s'est concertée avec plusieurs organisations pour créer la Charte des employeurs qui illustre leur engagement dans les démarches de formation des travailleurs de tout âge. « Nous considérons que le rehaussement des compétences est un investissement important pour le futur de nos employé.e.s », stipule le texte de la Charte. 

En signant la Charte, les employeurs envoient un message clair et cohérent : les études sont importantes tout comme l’obtention d’un diplôme. Dans son travail, Audrey McKinnon voit des employeurs qui incitent les jeunes décrocheurs à retourner aux études. « Un restaurateur a déjà dit à quelqu’un : retourne à l’école et je vais te garder ton emploi. En fin de compte, il obtient un employé expérimenté et qualifié.» 

Employeurs signataires 

Parmi les signataires de la Charte des employeurs, on compte Desjardins, une institution financière de 53 000 employés dont environ 1500 sont également étudiants. « Nous avons à cœur la persévérance scolaire de nos jeunes et pour nous, il est essentiel d’offrir de l’accompagnement, de la flexibilité, de la reconnaissance et des conditions leur permettant de décrocher leur diplôme », explique Jennifer O'Donoughue, directrice principale au Centre d’acquisition des talents de Desjardins. 

En tant que signataires de la Charte, les employeurs s’engagent dans 5 bonnes pratiques favorisant la persévérance scolaire. 

1.Horaire de travail 

Au quotidien, les propriétaires de l’entreprise s’assurent que l’horaire de travail est adapté aux besoins des employé.es-étudiant.es. 

Dans certaines succursales Metro, les dirigeant.es et gestionnaires ont recours à un programme FLEX qui permet d’harmoniser l’horaire de leurs employé.es-étudiant.es. En cas d’examen, il est possible d’échanger une journée ou un quart de travail avec un ou une collègue afin d'étudier et ce, sans que personne ne soit pénalisé, explique Lucy Rodrigues, directrice principale, gestion de talents et développement organisationnel chez Metro. 

« En pénurie d’emploi, on n’a pas le choix de s’adapter et d’offrir une flexibilité à l’étudiant qui ne sera pas gêné  de dire s’il doit s’absenter en raison de ses travaux d’études », dit Mme Rodrigues. 

Même son de cloche chez Desjardins. « Le gestionnaire est conscient de la réalité de l’employé.e-étudiant.e. Il travaille en proximité et garde le dialogue ouvert afin d’adapter autant que possible son temps de travail, son horaire ou en octroyant un congé en période d’examen, par exemple. Être à l’écoute et faire vivre une expérience distinctive à nos employé.es est une priorité chez Desjardins», précise Mme O'Donoughue. 

2.Prévoir un temps de repos suffisant entre une période de travail et une journée d’apprentissage 

Les étudiant.es ont la flexibilité de convenir de leur horaire avec l’employeur s’ils veulent pratiquer un sport ou recharger les batteries. 

3. Encourager la poursuite des études jusqu’au diplôme ou la qualification visée

Les employeurs trouvent nécessaire de parler des aspirations des jeunes. Le dialogue entre l’étudiant.e et le gestionnaire fait partie des conditions de succès, selon Jennifer O'Donoughue, directrice principale au Centre d’acquisition des talents chez Desjardins. « S’intéresser à son parcours académique et l’encourager à terminer son cursus scolaire est prioritaire », dit-elle. Le gestionnaire discute des aspirations avec l’employé.e- étudiant.e et de son besoin de formation et de développement. Le dialogue fait partie de nos pratiques et il est important de lui donner de la perspective sur son cheminement de carrière au sein de Desjardins.»

4. Prévoir des mécanismes de rétroaction avec l’employé-étudiant 

Dans les pharmacies Jean-Coutu ou les épiceries Metro, des entreprises familiales, la rétroaction fait partie de leur quotidien. « Le directeur d’un magasin connait tous les employé.es par leur prénom. Il va s’informer de leurs examens et il va leur parler pour les encourager ou les mobiliser », indique Lucy Rodrigues. 

Chez Desjardins, la communication, la reconnaissance font partie de la culture organisationnelle de l’entreprise. « En ayant ce dialogue et cette flexibilité avec eux, cela témoigne de notre volonté à les aider à réussir leur parcours scolaire », ajoute Jennifer O'Donoughue. De leur côté, les jeunes se sentent soutenu.e.s et valorisé.e.s dans leur cheminement. 

5. Faire connaitre notre engagement à l’employé-étudiant en matière de persévérance scolaire 

Les employeurs voient déjà les bénéfices de faire connaitre leur engagement face à la réussite éducative des étudiant.es-employé.es. Cela se répercute sur le sentiment de confiance. 

Chez Metro et Jean Coutu, les jeunes savent que l’employeur va prendre toutes les mesures nécessaires pour répondre à leurs besoins, souligne de son côté, Lucy Rodrigues. « On s’engage avec eux afin qu’ils puissent même étudier en équipe sur les lieux de travail », illustre-t-elle. Chez certaines pharmacies ou épiceries, la salle de repos est parfois transformée en salle d’étude favorisant le travail d’équipe.

La persévérance scolaire pour Desjardins se traduit entre autres par l’octroi de bourses variant de 1000 $ à 5000 $ aux jeunes en formation professionnelle, Cégep ou Université. « Nous offrons aussi des bourses destinées aux étudiant.es qui se réorientent ou retournent sur les bancs d’école en raison de la pandémie », précise Mme O'Donoughue. 

56,4 % 

Au Cégep, près de 2 étudiants sur 3 (56,4 %) occupent un emploi rémunéré durant l’année scolaire. De ce nombre, 1 étudiant sur 5 (20,8%) travaille plus de 20 heures par semaine**. 

Rétention des jeunes 

En offrant des occasions d’évoluer dans l’organisation, plusieurs employeurs préparent leur relève. « Nous avons plusieurs exemples de jeunes qui ont commencé à 15 ans et aujourd’hui, ils sont devenus directeurs et même vice-présidents de l’entreprise. Ils ont aimé la fibre de l’alimentation et le dynamisme du secteur », explique Lucy Rodrigues, directrice principale, gestion de talents et développement organisationnel chez Metro. 

Certains ont entrepris une carrière en marketing, ressources humaines, comptabilité au sein de Metro ou Jean Coutu. « La relève est assurée dans nos entreprises grâce à la qualité de nos jeunes. Il faut leur donner l’opportunité de travailler et mettre en application ce qu’ils apprennent à l’école sans nuire à leurs études », précise-t-elle. 

Contenu supplémentaire

Certains employeurs comme Peter Fogarty, propriétaire de l’épicerie Metro à Charlemagne démontre son parti pris face à la priorité des études. « Les jeunes aiment travailler et gagner des sous. Si l’un d’eux me demande un après-midi de congé pour ses études, il faut lui donner les conditions pour qu’il réussisse. C’est ça la persévérance scolaire », dit-il avec son franc-parler. 

Dès l’âge de 14-15 ans, des apprentis en piano s’exercent à jouer en public, à l’intérieur de son magasin. Conquis par les notes de musique, les clients n’hésitent pas à les féliciter. Ces précieux encouragements ont forgé la confiance de plusieurs d’entre eux. Certains vont même par la suite travailler à l’épicerie dans différents départements durant 4 ou 5 ans. « Je les encourage à poursuivre leurs études. Il y en a qui sont devenus infirmières, pompiers et même un est urgentologue, et tous reviennent me voir », dit-il. 

Par l’humour, M. Fogarty leur inculque ses valeurs d’entrepreneur comme la persévérance, l’esprit d’équipe, le souci du travail bien fait. « Je partage mes connaissances, mes hauts et mes bas en affaires, mais ma plus grande fierté, c’est de les voir réussir, peu importe leur métier. » 


Les bénéfices de la persévérance scolaire 

  • Augmentation du pouvoir d’achat et prospérité économique
  • Innovation et compétitivité internationale 
  • Meilleur engagement et rétention des employé.e.s 
  • Augmentation du niveau de qualification des équipes 

À votre tour de faire une différence dans la vie des jeunes. Engagez-vous comme employeur et soutenez la persévérance scolaire !


*Source : Pierre Fortin: Les sans-diplôme au Québec : portrait d’ensemble, présentation power point, 2008
**Source : Statistiques provenant d’un rapport réalisé par le Centre d’étude des conditions de vie et des besoins de la population (ÉCOBES) du Cégep de Jonquière