Accès à un rapport d’enquête de harcèlement psychologique

29-09-2020
Il est maintenant bien établi en droit que la « loi impose à tout employeur des obligations en amont et en aval d’une situation de harcèlement psychologique » […]
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Cynthia Bachaalani, FASKEN
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Gros plan, homme d'affaires, utilisation, téléphone portable, au travail

Le rapport d’enquête1 

Il est maintenant bien établi en droit que la « loi impose à tout employeur des obligations en amont et en aval d’une situation de harcèlement psychologique »2. Pour satisfaire à ses obligations légales en matière de harcèlement, de nombreux moyens peuvent être entrepris par un employeur.

C’est donc dans ce contexte que les employeurs décident généralement de procéder à une enquête en lien avec les allégations de harcèlement et de rédiger un rapport pouvant faire état de divers témoignages recueillis, de constatations, de conclusions, etc.

Dans l’éventualité où un salarié poursuit l’employeur,  ou encore, dans l’éventualité où une personne visée dans le rapport fait une demande d’accès auprès de la Commission d’accès à l’information (ci-après : « CAI »), l’employeur a-t-il l’obligation d’en remettre une copie au salarié qui en fait la demande?

Les rapports d’enquête de harcèlement peuvent contenir des informations sensibles, tels les noms de personnes faisant l’objet de l’enquête, les noms de témoins rencontrés, la version des faits des présumées victimes, etc.

Ce qu’il faut savoir est que lorsqu’un rapport d’enquête contient des renseignements personnels sur un employé, celui-ci est normalement en droit d’y avoir accès. Cependant, certaines exceptions existent telles que celles relatives au secret professionnel dans le cas des rapports rédigés par les avocats de l’employeur et celle prévue à la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé. En effet, la loi prévoit qu’une entreprise peut refuser de donner accès à un tel rapport si la divulgation de celui-ci risquait vraisemblablement d’avoir un effet sur une procédure judiciaire dans laquelle l’une ou l’autre des personnes à un intérêt. 

En d’autres termes, bien que le Tribunal administratif du travail (ci-après : le « TAT ») ait déjà conclu que le droit à la présentation d’une preuve pleine et entière primait sur la protection de la confidentialité offerte par l’employeur aux personnes ayant témoigné dans le contexte d’une enquête pour harcèlement3, la règle générale donnant accès à un employé sur un rapport d’enquête le concernant doit être tempérée par les exceptions susmentionnées ainsi que par celles relatives à la pertinence et à la valeur probante d’une preuve. 

À noter qu’il a déjà été établi que même en la présence d’une politique voulant que l’employeur traite de manière confidentielle toute plainte de harcèlement, la communication du rapport d’enquête pourrait tout de même être ordonnée par la CAI si la personne concernée par le rapport en fait la demande et que l’une ou l’autre des exceptions précitées ne sont pas soulevées avec succès.

Aussi, dans le cadre d’une demande d’accès à la CAI, il peut s’avérer nécessaire de caviarder des renseignements personnels concernant des tiers puisque de tels renseignements peuvent demeurer confidentiels puisque susceptibles de nuire à ces tiers. De plus, la CAI a déjà conclu que la divulgation d’extraits subjectifs de témoignages recueillis dans lesquels les témoins exprimaient un sentiment donnait un avis ou leur appréciation était susceptible de nuire à leur auteur dans le contexte d’une quête à la suite d’une plainte de harcèlement psychologique4.

En bref, pour les entreprises voulant effectuer des enquêtes internes, il importe de bien documenter les enquêtes de harcèlement, mais de toujours garder en tête que la personne concernée par le rapport pourrait un jour avoir accès audit rapport. Ainsi, afin de limiter cette probabilité de divulgation, il est recommandé de protéger de tels rapports en mandatant des avocats afin de mener l’enquête et de rédiger le rapport final considérant que les communications et les documents échangés seront dans une certaine mesure protégés par le secret professionnel de l’avocat et le privilège relatif au litige, le cas échéant.

Contenu supplémentaire

1. Stéphane Lacoste et Catherine Massé-Lacoste, « Les développements récents en droit de la vie privée appliqués au droit du travail québécois », dans Barreau du Québec, Service de la formation continue, Développements récents en droit du travail (2019), vol 454, Montréal (QC), Y. Blais, 2019, 89.
2. Gougeon c. Cheminées Sécurité International ltée, [2010] QCCRT 0120.
3. Jones et Commission scolaire Eastern Shores, 2016 QCTAT 1535 (CanLII).
4. Préc. Note 1, 164.